On s'en sort quand on ne se suicide pas à cause de la douleur, de la honte, du fait d'avoir été dépossédé-e de son propre corps ;
On s'en sort quand on ne tombe pas enceinte ;
On s'en sort quand on n'en rêve pas fréquemment la nuit, revivant encore et toujours la douleur, la peur et la soumission ;
On s'en sort quand on a pas vu son sang se mêler à l'eau dans la douche, après cet événement si "anodin" ;
On s'en sort quand on a pas eu de mal à avoir une vie sexuelle normale après ça, quand on a pas eu mal les premières fois, quand on a pas eu peur ;
On s'en sort quand on a réussit à le verbaliser, à en faire part à son entourage et qu'on a été soutenu-e ;
On s'en sort quand on en a pas fait un tabou pendant des années ;
On s'en sort parce qu'on est toutes et tous aussi forts que vous madame Millet, aussi forts que celles et ceux qui n'ont jamais eu à vivre ça ;
On s'en sort très bien quand on parle au nom de celles et ceux qui ont vu l'enfer, sans savoir, en réalité, ce que cela peut être ;
Et enfin madame, on s'en sort quand on ne maîtrise pas le sujet et qu'on a jamais eu de mal à se regarder dans la glace sans avoir honte, sans se sentir sali-e, sans se haïr, sans se refaire mille fois la scène dans sa tête et à se répéter "pourquoi personne n'est venu ?", "pourquoi ne me suis-je pas plus débattu-e ?", "pourquoi est-ce tombé sur moi ?".
On s'en sort... oui... mais à quel prix madame Millet ?
Ayanna,
